Comment se protéger ?

Une question me taraude, depuis un long temps déjà, et j'aimerais avoir l'avis d'autres personnes sur la façon dont on peut se protéger, se prémunir, face à des souffrances, des diificultés des patients - qui nous renvoient à nous-mêmes.
Comment "suspendre" les difficultés rencontrée avec un patient puis accueillir quelqu'un d'autre la min d'après en étant "épuré" ?

La présence, la capacité d'écoute, l'empathie - dans l'idéal sans doute... en tous cas à travailler..... et comment ?

Je n'ai malheureusement pas de solution.
Mais d'ici peu (pas ce soir) je veux bien répondre au travail sur soi et à la souffrance personnelle engendrée par celle d'autrui.

l'expérience... c'est l'accumulation d'évènements plutôt ébranlant, de situations extrêment délicate qui va au mieux ajuster ta distance thérapeutique au fil des années...


pour moi c'est comme cela que ça s'est construit... et que ça continue


quand je parle d'évènements ou situations, j'entends bien aussi de l'ordre de ton vécu personnel, de ta construction d'identité...

En fait, ça ne me suffit pas comme réponse, Darius, parce-que, oui , l'expérience apprend à se... comment dire... "se faire la cuirasse", mais je pense qu'il y a des manières de se protéger pour ne pas se mettre en danger, et ne pas mettre en danger les autres (famille, patients, etc...).
Je pense que l'expérience sert à améliorer les capacités d'observation : savoir détecter la psychose là où elle se trouve par ex, sans juger pour autant.
Mais comment passe-t-on d'une difficulté à une autre personne, comme ça - je m'explique, exemple : l'autre jour, cet enfant qui a fait une "crise", que tu as mis dehors, et toi tu t'es calmé dans ta salle : et après ??? tu l'as récupéré ? et la personne qui a suivi ? dans quel état étais-tu ?

je maintiens toutefois...

tu me demande comment passe -t-on d'une relation à une autre, de se rendre disponible pour le suivant... l'habitude, avant je fumais une cigarette... maintenant je n'en ai plus besoin...


ça fait partie de la qualité de la relation que tu as mis en place avec l'enfant, celui que j'ai mis dehors: je l'ai confronté à ma propre difficulté, j'ai mis des mots sur ce que je ne pouvais pas toléré, dans cet espace relationnel... cette violence je l'ai constaté, entendu mais non ce jour là je n'avais pas les épaules pour l'assumer (en fait j'avais un bocage cervical du matin, et j'ai eu peur de prendre un mauvais coup... alors je l'ai mis dehors dans le couloir)...

ensuite, j'y suis retourné... nous avons noté sur un cahier ce qui s'était passé, pourquoi, s'il était en encore en colère, ce dont il avait besoin avat de retourner dans sa classe...


puis je suis allé chercher un autre enfant, totalement différent, besoin différent, relation différente...



l'expérience m'aide à avancer moi même, et sse poser la question de cette violence: pourquoi elle s'exprime là, dans cet espace, devant moi....

Ben tu vois, là, tu fais appel à la violence - et j'ai éprouvé une grande stupeur, puis de la colère (je crois), face à la violence à laquelle j'ai fais face à la MAS. Non pas "parce-que-le -public est-difficile", c'est pas seulemtn ça : la violence est , on peut la rencontrer partout - et je ne la comprend pas.
Cette souffrance humaine m'a happée, me dépasse.

Qu'est-ce qui résonne en moi ? ou pas ?
J'ai posé la question l'autre jour sur ce forum et j'ai éprouvée une expérience hier.
Une expérience : moi face à la vie, face mon pair.

Et puis quelqu'un d'autre m'a dit : n'oublie pas la "remise en question".
Comme tu dis Darius : "pourquoi cette violence s'exprime là, devant moi".

Alors je cherche(rai), encore.
J'espère être prudente, mais il y a quelque chose qui m'échappe dans tout cela, quand même.

je ne saisis pas tout...

de quelle violence parles-tu?

que s'est il passé?...

stupeur, colère?

quelle relation?

pourquoi ce stage en mas? que pensais tu y trouver? des fois la violence, l'agressivité se retrouve dans le non agir, l'indifférence... est ce de cela dont tu parles?




sois plus objective...
et tu peux passer en message privé si tu veux...

je vais rester sur le forum, je pense que c'est un sujet important à partager...
Mais tu as raison de me dire d'être plus objective : les journées qui passent me permettent de poser des choses, de parler, de laisser agir ce qui peut se passer parfois sans qu'on l'analyse sereinement.

Je voudrais être plus précise mais je crois que je vais attendre encore pour mieux comprendre à quoi ça me renvoie personnellement. Parce-que je pense que le fond est là, quelque part, dans mon "vécu".

Alors oui, tu as raison, par contre, d'invoquer la violence de l'indifférence - bien sûr qu'il y a de ça .
Et puis le travail en psychomotricité face aux autres professions ! quel schisme parfois !
Cela peut sans doute être une richesse, mais là, franchement, ça me bouscule.

je vais rester brève ce soir, mais, oui, les stages remettent en question, soulèvent des questionnements - et partager, chercher le soutien aide.

PS : la violence, c'est la souffrance que j'ai senti, et que je ne sais pas traverser.

que dire???

je ne comprends toujours pas où tu veux aller...

Ah !!! cette éternelle incompréhension ...!!!!

Je suis désolée d'être si peu rigoureuse - peut-être ça serait plus facile de se comprendre oralement : l'écrit traduit des pensées et des émotions, mais c'est une double barrière de l'intellect.
Et puis vlati pas que je me dis depuis quelques jours que je suis pas assez "objective".

Comment faire passer le message aux autres professionnels alors ?

Allez ! encore une fois je repars dans tous les sens !

Peut-être faut-il attendre la semaine prochaine pour q'un jour de stage en plus me permette d'éclaircir mes pensées houleuses et désordonnées.

mais pour répondre à ta question : où je veux aller, je ne sais pas ; je découvre, c'est tout.
Ce que j'attendais en allant en MAS ? la découverte d'un milieu dans lequel, justement, je ne serais sans doute pas allé en poste spontanément (et profiter du stage et de la rencontre avec la psychomot).
La violence dont je parle est celle qui surgit en moi, en réponse à la souffrance des gens, en réponse à la différence des prises en charges sur un même patient, en réponse aussi au fonctionnement de l'institution, qui condense dans un unique lieu un concentré de personnes qui ont les mêmes difficultés .
J'apprends tout cela d'un coup et l'adaptation est rude.

C'est tout.

Donc, la question de départ qui était de savoir comment on peut se prémunir de difficultés, pour éviter de les faire "rejaillir" sur les patients trouve peu à peu des réponses : l'expérience aide, et je le comprends en l'expérimentant....

Je rencontre des personnes souffrantes, je souhaiterais pouvoir les accompagner sans souffrir à mon tour en sortant de la salle.
Et parfois c'est costaud - nom d'une pipe !!!!

La violence et comment s'en protéger.

Je vais parler de l'expérience humaine qui m'a poussé vers la profession de psychomotricien. Je ne sais pas si elle répondera à ton attente, mais cette violence a été présente de plusieurs manières.

Tout d'abord, je reprendrai l'introduction de mon mémoire de première année de master afin d'expliquer cette expérience.
"Gravés dans ma mémoire, comme inscrits au fer rouge, les souvenirs suivants m’ont hanté des années. Leur ardeur oppressante m’a vivement orienté vers l’étude ici relatée. Agé de 16 ans, j’ai eu la chance de pratiquer danse et musique dans une MJC de St-Herblain qui organisait un échange culturel et artistique avec l’IME et CRF de Pen Bron (44). Cette rencontre inopinée avec des jeunes atteints de déficience corporelle et intellectuelle fut, pour moi, non seulement enrichissante d’un point de vue affectif et humain mais également le point de départ d’une ambition professionnelle. En un week-end de communication et de création artistique j’ai pu vivre des moments intenses que je ne pourrai décrire de peur de ne trouver les mots correspondant aux sensations vécues. Durant ces 3 jours, des ateliers d’initiation au théâtre, à la musique et surtout à la danse étaient organisés par des intervenants professionnels issus de la MJC. Les jeunes des deux centres choisissaient leur domaine de prédilection puis évoluaient ensemble dans le but d’une création commune. Cet échange se renouvela pendant 4 ans, ce qui me permit de m’insérer dans l’atelier musique durant les deux premières années et dans celui de danse les deux suivantes. En pratiquant la danse avec ce public vulgairement appelé « handicapé », j’ai pris conscience des difficultés corporelles rencontrées par les personnes atteintes de blessure médullaire ou de lésion cérébrale. Mais, au-delà de ces problèmes moteurs, j’ai pu percevoir un corps tellement médicalisé qu’il en avait perdu le sens de l’expression et de la communication, un corps complètement désinvesti et réduit aux simples capacités fonctionnelles. Je fus autant surpris que touché de voir et d’entendre les sourires et les rires que certaines situations d’expression corporelle banales entraînaient. Je fus émerveillé de constater un déverrouillage du corps au fil du temps. Le corps se libérait peu à peu des carcans du fauteuil roulant pour se mouvoir sans contraintes au sol. Les jeunes prenaient peu à peu conscience de leur corps et de ses réelles possibilités à tel point qu’ils prenaient confiance et osaient faire ce qu’ils n’avaient jamais essayé. Par exemple Caroline, IMOC, pour la première fois jouissait de la possibilité de passer d’une position allongée sur le dos à une posture plat ventre. Les éducateurs spécialisés de Pen Bron étaient stupéfaits de constater en si peu de temps de tels progrès. Certains auraient sans doute parlé de « miracle ». Mais je persiste à croire que ces jeunes ont seulement été placés dans les conditions favorables à une expression et une familiarisation corporelle. Cependant, l’institut dans lequel ils se trouvaient les empêchait inconsciemment de parvenir à cet épanouissement tant attendu. En effet, en accompagnant les jeunes dans leur chambre le soir, j’ai pu m’apercevoir que leur corps ne leur appartenait plus, l’intimité de ce dernier était condamnée en faveur de la médicalisation (transfert, vérification, toilette…). La communication corporelle était évacuée de l’interaction patient/médecin, et seule la fonctionnalité motrice importait. La danse n’étant pas utilisée par l’éducateur sportif du centre, on s’apercevait qu’à aucun moment le jeune ne pouvait se mouvoir librement et ne pouvait donner une valeur expressive à son corps. En effet, l’activité physique, telle le ping-pong permet au corps de se mouvoir, de jouer mais en aucun cas dans ce genre de pratique on ne peut parler de liberté corporelle. Le corps étant contraint par sa médiation à la balle. Ces week-ends étaient donc les seuls moments de l’année où ces jeunes déficients moteurs pouvaient vivre pleinement leur corps non pas comme objet de rééducation mais comme sujet principal de communication. Malheureusement, les évolutions constatées par les éducateurs de Pen Bron et les jeunes de la MJC ne semblaient pas enchanter tout le monde. Après notre départ, le personnel médical se plaignit d’agressivité et de comportements de repli sur soi et de la part de ces jeunes patients. Il conclut que ce genre de pratique était mauvais et nuisait à l’équilibre psychique de ces adolescents. L’échange s’arrêta donc avant la 5ème année afin de préserver les jeunes de la perversité d’une telle pratique. " Aujourd'hui, je me m'interroge encore sur la violence qui a découlé des liens que nous avond tissés ensemble à partir de pratiques corporelles. Il nous a été relaté que certains jeunes la dernière année de cette expérience refusait de se nourir, était parfois violent avec les infirmiers. Cette année là, nous avions été beaucoup plus loin que les années précédentes, le contact corporel était plus important et plus direct, les jeunes dansaient au sol comme dans leur fauteuil (malgré que certains ne bougeaient qu'un bras ou la tête). Aujourd'hui je me repose la question du libre arbitre, n'avons nous pas forcé l'intimité de ces jeunes ? n'avons nous pas en évoluant sur scène devant une 100 de personnes (non sensibilisées au milieu du handicap) enfrunt leur secret corporel ? N'avons nous pas donné envie à ces jeunes de posséder un corps capable de se mouvoir librement, de marcher et de danser à la verticale en utilisant chaque membre ? De ce fait, ne les avons nous pas confronté à leur dure réalité corporelle ?
Pour les premières questions je pense être en mesure de répondre par la négation. Puisque même si certains jeunes communiquaient seulement par le regard, il leur était demandé sans cesse, si telle ou telle situation les dérangeait, il répondait sciemment qu'il n'en était rien. De même, les regards et les sourires ne trahissaient leur émotion du moment.
Pour ce qui est des deux dernières questions. J'ai peur que sans le vouloir, nous avons instauré une violence inconsciente. Peut-être que celle-ci est à l'origine des révoltes que les médicaux ont pu percevoir. Mais je pense qu'il n'en est rien, il s'agissait à mon sens d'une révolte, d'une demande de plus de respect, d'une volonté de communiquer son mal-être. Mais ceci ne sera qu'hypothètique car nous n'avons jamais pu en discuter ensemble.

La première violence fut purement institutionnelle, une incompréhension du manque de tact de l'équipe médical. Une violence symbolique instaurée par la différence de statut (jeunes/médicaux) qui se traduit par une incompréhension des besoins de chacun. Des médecins, infirmiers qui se protègent comme ils le peuvent (souvent par l'élaboraiton d'une distance dans la relation) des souffrances engendrés par la souffrance de leurs "patients", des jeunes en difficultés qui vivent attrocement cette distance et qui aimeraient pour se sentir protéger que celles-ci disparaissent.

La seconde violence fait référence au libre arbitre et à la difficulté de pouvoir dans une structure (ou n'impote quelle micro-société) répondre aux besoins de chacun et d'établir un mode d'organisation qui réponderait à l'individualité de chacun.

Parlons maintenant de la souffrance à laquelle je fus confronté lorsque je suis entré pour la première fois en relation avec les jeunes de Pen Bron.

Tout d'abord, j'ai du me faire violence pour
1) passer outre des aspects stigmatisants, des déformations qui renvoient sans le vouloir à son propre corps et la peur de se regarder un jour dans la glace avec ces mêmes troubles morphologiques. Passer outre les problèmes de dégultition ou les cris qui "dégoutent" au premier abbord. La première relation avec une personne est toujours visuelle et les normes sociales de la beauté influence notre regard.
2) arrêter de penser que mon mal être devait se ressentir dans la relation. Et stopper la nécessité ressenti de faire comme si je n'étais pas touché par ce que je voyais. En gros arrêté de vouloir simuler grossièrement et de ce fait ne pas m'ouvrir entièrement à la relation qui m'effrayait.

3) ne pas interpréter la souffrance et les difficultés qu'ils peuvent rencontrer chaques jours

4) me laisser guider vers l'inconnu. Et ne pas chercher à maîtriser la relation.

5) refuser de vouloir comprendre comment agir, et arrêter de me poser la question "comment eux me perçoivent-ils ?", "comment conserver la face, quelle stratégie adoptée pour être acceptée?"


Et je remercie les jeunes, leurs éducateurs qui m'ont permis d'établir une relation serreine et franche. Les jeunes m'ont guidé dans une relation purement humaine où la pensée n'intervient pas. Ils m'ont rapidement permis de les connaître, ils m'ont ouvert leur bras autant que leur coeur. J'ai ainsi pu les voir réellement en dehors de leur stygmate, les voirs intérieurement.
Je leur remercie également de m'avoir ouvert les yeux sur le bonheur que l'on peut apporter à autrui par un simple sourire. J'ai également put comprendre que certains silences, regard en disent souvent plus long qu'un long charabia (désolé j'écrit un roman en parlant de ce sujet. Je vais à l'enconre de ce qu'ils ont su m'inculquer).

Ensuite, la violence que j'ai remarqué et qui m'a fait souffrir concerne celle de l'auto-mutilation. (je ne l'ai pas vu durant ces rencontres, mais pendant les stages que je suis en train de voir). Et cette violence je la ressens, et n'arrive pas encore à m'en débarasser.

Aujourd'hui la plus grande souffrance, concerne la difficulté à cerner l'avenir pour des enfants polyhandicapés. Quelle évolution pour les plus démunis ? Comment perçoivent-t-ils leurs incapacités ?
Si je ne vois pas de progrès dans la relation et dans les capacités motrices et psychiques de l'enfant, comment ne pas baisser les bras et trouver les ressources pour continuer la prise en charge ?
Dois-je penser à cela durant une prise en charge ou vivre simplement le moment présent avec eux ?
Que ressentent-ils lorsqu'ils veulent se rendre dans un endroit alors qu'ils n'ont pas la possibilité de se déplacer ?
En gros la souffrance que je ressent est plus en lien avec la représentation que je me fais de leur pensée. Je me mets à leur place et je trouve cela difficile à vivre. Mais ne suis-je pas dans l'erreur en essayant d'interpréter ce qu'ils peuvent ressentir ?

Je ne sais pas si il existe des réponses à ces questions.